Max Rovira est un artiste peintre marseillais d’origine espagnole né en 1953. Ses premiers travaux s’inspirent du post-impressionnisme. Il combine sa rigueur picturale à une inépuisable variété de reflets et de lumières. L'objectif qu'il poursuit depuis plusieurs décennie est de modifier une attitude à l’égard de la réalité. Une vie d'expérience le fait côtoyer les grands courants de l'art contemporain.
De l'onirisme à la figuration libre... Il n'y a qu'en travaillant, qu'en peignant que l'on éprouve la force d'un courant artistique. Il n'y a qu'en se donnant corps et âmes à l'ouvrage que l'on prend en soi la pleine de mesure de ce qu'est l'art, de sa liberté mais aussi de ses limites.
Chaque oeuvre est un recommencement, une avancée vers un objectif qui ne vaut que pour soi, que pour l'exigence que l'on a de son travail.
Le spectateur lui voit une oeuvre finie, là ou l'artiste lui, ne considère que le chemin parcouru et le chemin qu'il reste à parcourir pour tenter de réaliser l'oeuvre parfaite : celle qui instantanément se comprend dans son entièreté, dans la profondeur de l'histoire qui la compose et dans la richesse des sentiments qu'elle dégage. Comme si l'oeuvre totale, parfaite, devait avant tout être une oeuvre immédiate!
Max Rovira revient souvent sur les thèmes qui lui sont cher : la famille, la musique, l'amour, les chevaux... et sa terre rouge gorgée de soleil. Dans ces images sans cesse revisitées, on aurait pu imaginer des ciels azurs propre au Sud de a France : infinis, transparents! Et pourtant l'artiste aime les rendre complexes. Il les travaille souvent de nuit, dans une composition riche de noirs, de bruns, de bleus sombres. Comme si pour lui la simplicité du ciel comme celle d'une scène ou de ses personnages n'avait toujours qu'une apparence.
Je lis souvent dans les avant-propos des catalogues d’exposition que les galeristes sont fiers et heureux de chercher, promouvoir, défendre tel ou tel artiste.
Et effectivement cela doit être la raison d’exister d’une galerie. Mais en réalité on retrouve dans la plupart des galeries les quelques mêmes artistes qui garantissent un chiffre d’affaire à leur propriétaire… des œuvres dont par ailleurs on oublie de dire, qu'elles ne sont parfois pas des œuvres d’art originales…
Dans une période où les galeries ferment c’est très certainement un repli salutaire que de présenter « ce qui marche » et d’oublier de défendre ce qui est plus risqué. Mais est-il bien moral ou normal de se transformer en supermarché et de garder comme enseigne ce terme de Galerie d’Art pour autant ? L’art est un marché, certes, mais c’est pour moi un abus que de vendre des produits qui ne sont pas de l’art, mais des représentations d’art. Comme les restaurants qui défendent la cuisine maison, les galeries sérieuses devraient elles aussi défendre les artistes authentiques et protester contre les établissements qui présentent des choses dont même le code général des impôts ne reconnait pas la qualité d’œuvres originales.
Tout d'abord, les oeuvres que je présente sont toutes originales, pas de fumisterie. Aucune lithographie rehaussée de quelques gouttes de peinture qui la ferait redevenir "uniques". Pas plus que de bronzes multiple chez moi.
Les peintures sont uniques et les bronzes numérotés en 8 exemplaires plus IV Epreuves d'Artiste. C'est tout. Je ne déroge jamais. Et de mon point de vue une Galerie d'Art ne devrait pas faire autre chose que cela.
Ensuite, les artistes que je défends sont un choix, ils sont mon choix, et pas celui d’un diffuseur grossiste VRP qui me proposent des « artistes » dont le seul intérêt n’est que le chiffre d’affaire qui les accompagne. Etre galeriste est en ce sens un travail fait de choix et de convictions. Pour que cela fonctionne, mes propres gouts doivent rejoindre ceux de ma clientèle. Mon goût, je l’ai forgé avec le temps, mon histoire… et c’est justement ce qui me plait, ce qui me fait peur mais aussi ce qui m’exalte dans ce métier.
Cela fait quinze années que je fais le métier de galeriste. Quinze années qui m’ont permis de m’affirmer, d’affirmer mon goût et ma manière de travailler. Ma première galerie fut une galerie dédiée à l’art primitif ainsi qu’à l’art contemporain africain. C’est d’ailleurs de là que vient l’enseigne de la galerie : Harmattan (comme ce vent qui souffle du Sahel vers le Golfe de Guinée. J’avais 23 ans et je rentrais tout juste de mon Service National.
Je ne suis ni fils de galeriste, ni enfant d’artistes. Mes amis, eux, au lycée étaient sans doute plus sensibles à l’art que je ne l’étais moi-même. Certains avaient reçu cette éducation, et par contact m’avaient transmis ce goût sans qu’il fut pour autant le centre de ma vie d’alors. Le lycée dans la vallée, puis l’université à Grenoble avant de partir pour le Royaume Uni. L’art, la créativité sont entrés plus profondément dans ma vie par le biais de la photographie et de l’infographisme que j’étudiais tandis que je fréquentais de plus en plus les musées, les expositions... Je me souviens d’une exposition de Francis Bacon à Beaubourg. Et tandis que les papes pleuraient sur le lin, je compris en un instant la force de l’art. Plus tard le Service National interrompit mes études pour m’offrir ma vie. Je devins graphiste pour le Centre Culturel Français de Lomé au Togo. C’est là et par le truchement de rencontres et d’opportunités que s’est précisée mon envie de créer une galerie. A mon retour d’Afrique j’avais acquis suffisamment de connaissances et de relations au Togo pour réaliser ce projet.
Mes débuts furent formateurs ! Tacher de convaincre des collectionneurs sur la qualité d’une œuvre est une gageure lorsque l’on est tout jeune. Je ne saurai trop remercier mes parents et mes amis pour m’avoir soutenu dans les premières années. Néanmoins un coup de pouce m’est venu de bien plus haut ! C’est à cette époque que Jacques Chirac a décidé de la création du Musée du Quay Branly. Et dans la foulée, l’engouement du public a contribué au développement de la galerie. Quant à moi, au printemps et à l’automne, je partais rechercher les œuvres dont j’avais besoin pour la saison suivante. Cette époque fut merveilleuse. Les voyages que j’ai effectués étaient formidables. Et les souvenirs que je garde des lieux et des rencontres me rendent nostalgique lorsque je me les remémore. Ce détour ou ce départ africain fut mon école d’arts. La puissance des sentiments, les valeurs mystiques véhiculées par l’art primitif, qu’il soit contemporain ou traditionnel est la meilleure expression de ce que doit être l’Art. Une machine à rêver (machine au sens de mécanisme). Quelque chose d’ésotérique peut-être, quelque chose de magique en tout cas. Et si les mots semblent quelque peu grandiloquents, c’est parce que le lecteur de ces lignes a oublié de considérer les sentiments qu’il éprouve spontanément face à une peinture qu’il aime. L’art doit entrer en chacun de nous. L'art débusque en nous des sentiments enfouis tellement intimes qu'il est difficile de les exprimer et encore plus de les formuler.
J’ai parcouru l’Afrique de l’Ouest et Equatoriale durant dix années. Dans un sursaut je m’y suis même installé deux années durant, confiant la galerie Harmattan à une amie d’enfance. A mon retour j’ai délaissé l’art primitif pour l’art contemporain. Les complications douanières m’avaient détourné de l’Afrique Noire. Et c’est ainsi que dix années d’expériences multiples dans l’art, la recherche, le commerce, m’ont amené à présenter les artistes avec lesquels je travaille aujourd’hui.
Si durant ces quinze années j’ai beaucoup évolué, on peut en dire autant du marché de l’art.
Les artistes, les clients, les règles qui faisaient fonctionner les uns avec les autres, tout cela a été chamboulé ! Ce que je vendais en franc a vu sa valeur multipliée par 6,56 (quoi qu’en dise les chiffres officiels de l’inflation) ; bien que la bulle internet aie éclaté, l’internet lui-même a offert aux artistes de devenir les autos-promoteurs de leur art. Ceux qui n’avaient pas le niveau ont pu offrir au monde leur incompétence en noyant par leur masse les quelques merveilleux artistes qui eux ne trouvaient pas de débouchés.
Puis la crise économique est arrivée. Le marché de l’art s’est métamorphosé un peu plus vite, faisant disparaitre nombre des galeries françaises traditionnelles, professionnalisant d’avantage les survivantes ; les grosses galeries ont grossi d’avantage puis essaimé ; l’Art des maîtres est devenu un placement et beaucoup de galeristes experts sont devenus des conseillers fiduciaires avant d’être des conseillers artistiques ; les galeries virtuelles, après avoir foisonné dans un superbe amateurisme, se sont structurées et professionnalisées ; et enfin, les lobbies intellectuels ou marchants ont eu peur que le marché de l’art avec un grand A ne s’effondre vraiment. La politique s’est alors empressée de créer des niches fiscales qui pour une raison d’échelle profitent bien avant tout aux artistes les plus chers, oubliant qu’ils sont aussi les moins nombreux, parfois les moins créatifs et de temps à autres les plus surcotés... ou était-ce à dessein ?
L’art a toujours été un refuge. Plus qu’un refuge, il est devenu ces dernières années un placement dont on attend un rendement. Pour toutes ces raisons les galeries et les artistes cherchent de nouveaux modèles, soit des niches en termes de technique ou de sujet, soit des schémas économiques différents. Certaines galeries diffusent des artistes à la mode. D’autres proposent de l’art à vil prix pour tenter de satisfaire le client appauvri en même temps que celui qui commence à s’enrichir. Quelques galeries s’évertuent à ne plus défendre l’originalité de l’art, mais au contraire à vendre des codes socio-culturels. « Dis-moi qui tu veux être, je te dirai quoi acheter. » Et comme tout cela n’a aucun fondement artistique ni moral, l’acheteur est fier d’avoir une œuvre tirée à « seulement » 150 exemplaires dès l’instant qu’il a vu la même pièce chez son patron ou dans un magazine. De son côté le vendeur se frotte les mains de vendre 150 fois la même sculpture en résine faite à l’usine mais « signée par la main de l’artiste ». Et le centre des impôts s’enrichit d’une pièce soumis à une tva haute parce qu’elle n’est pas une œuvre originale. Tout le monde y gagne, tant que le client ne veut pas revendre cette sculpture…
J’ai le sentiment que les galeries qui font flores, dans le sillage de celles traditionnelles qui disparaissent, ne sont que des machines à transformer de la décoration pas cher en décoration cher. Les galeries n’ont même pas besoin de faire croire que ce qu’elles vendent est de l’art. Les clients sont bernés par l’enseigne « Galerie d’Art » et croient sur parole le vendeur commissionné, comme pour de l’électroménager.
Quelle est la place du galeriste dans cette mutation ? en a-t-il seulement une, ou n’est-il pas un vestige d’une économie vieillissante ?
Lorsque j’ai commencé à travailler, il n’y avait qu’une seule manière de faire : dénicher les artistes, les rencontrer, s’engager auprès d’eux, les défendre. Mettre sur un piédestal leur confiance et leur offrir la nôtre. Et face au client, être honnête, ce qui pour moi est le gage qu’il ne sera pas déçu.
Que reste-t-il de cela lorsque l’artiste est un fournisseur qui produit pour des agents/diffuseurs qui eux-mêmes placent les œuvres dans autant de galeries que possible ? Les galeries connaissent-elles les artistes au-delà de leur plaquette de présentation ? Se portent-elles garant de ce qu’elles vendent ?
Le client encore une fois est floué : il a le double sentiment d’aimer ce qu’il voit et que ce qu’il voit est une valeur sûre.
Plus un artiste est visible, plus il donne le sentiment d’être connu, plus il donne le sentiment d’être connu plus il donne l’impression que son travail a une valeur certaine. Et de fait il se trouve dans une spirale qui s’appelle la mode… avec son revers futur.
Mais pour l’heure, pour rendre cet artiste visible il faut une armée de petites mains qui sont toutes rémunérées. Les assistants qui fabriquent davantage, les diffuseurs, les communicants, les galeries, les vendeurs… et cela à défaut de contribuer à la côte, contribue au prix.
Mon point de vue : cet art-là, en plus d’être bien trop cher, n’est que l’apanage d’une époque, comme les fleurs orange et marron des années 70.
Ce que les clients voient dans la galerie Harmattan correspond à mes choix artistiques. Ces choix n’appartiennent bien entendu qu’à moi. Si les clients aiment ce que je présente, ils peuvent être assurés que j’aime également ce qu’ils s’apprêtent à acquérir. Je ne propose pas des artistes parce qu’ils sont ailleurs, bien au contraire j’ai le secret espoir d’avoir déniché un artiste rare… non pas d’en avoir l’exclusivité en terme légal, mais d’en être le dépositaire privilégié pour me repaître à loisir de son travail exceptionnel et de sa qualité… comme le serait un client.
Comme disait l’austère Kant « Le beau est beau pour tout le monde », comme quelque chose qui flotterait dans l’air et qu’il suffirait de ressentir. Il y a des dénominateurs communs à l’art primitif, à l’art contemporain africain, à l’art tout court. Le beau a de nombreuses formes, il est multiple, mais surtout il doit être sincère.