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Galerie Harmattan
40, rue Saint Jean 74120 Megève FRANCE
Tel. +33 (0)6 67 01 93 81

Dernière mise à jour : 9 févr. 2019

Papisco Kudzi 91x91 "Strangers"

L’harmattan est un vent qui souffle en Afrique de l’ouest, du Sahel vers le Golfe de Guinée… Et ainsi donc on peut se dire qu’il ne traverse jamais la Méditerranée et encore moins qu’il ne remonte jusqu’à Megève ! Hé bien si et contre toutes attentes l’Harmattan souffle bel et bien à Megève ! Certes ce phénomène ne date que de 2001 et n’a rien à voir avec le changement climatique, mais plutôt avec une passion africaine : la mienne !

Effectivement, après avoir travaillé pour le Centre Culturel Français de Lomé au Togo où j’étais Coopérant du Service National, je suis rentré dans mon village (quasi natal) pour y implanter une galerie d’art primitif. Je ne saurai d’ailleurs assez remercier les personnes qui m’ont initié et soutenu dans cette aventure.

Depuis 2001 et durant une dizaine d’années, j’ai parcouru une grande partie du continent africain. Mes voyages duraient de un mois à un mois et demi. Je partais au printemps et à l’automne lorsque les accalmies à la galerie me le permettaient. Ces voyages ont couvert une grosse partie de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique Centrale. Et ainsi par le truchement de trains, de bus, de bicyclettes… mais surtout par l’entremise des missions religieuses qui m’ont hébergé, j’ai pu découvrir des lieux, des cultures, des gens formidables.

Ce travail m’a passionné. D’ailleurs peut-on seulement parler de travail, lorsqu’on voyage au soleil plongé dans des cultures séculaires et entouré de personnages formidables?

Et puis rapidement, contingences et rencontres, l’art primitif a été additionné d’art contemporain. Tout d’abord d’un art contemporain africain : fort, sans verni, chargé de croyances. Senghor avait un mot pour parler de l’art primitif. Un mot que je travestis peut-être mais que j’étends volontiers à l’art contemporain africain : L’Art Primitif est un art sous réaliste, en ce sens que la forme, l’esthétique, tout ce qui plait à l’œil, est induit par des valeurs internes à la pièce. Comme lorsqu’un enfant dessine et charge son dessin de croyances profondes.

Voilà ce qu’est l’art contemporain africain pour moi. Un art fort, construit à partir de croyances internes aux œuvres, sans compromis, sans intellectualisme, sans références à l’Histoire de l’Art… ces objets d’art sont autant de fétiches lancés dans l’inconnu du Monde. Ils sont des navires barrés par des artistes découvreurs. Et d’ailleurs ce mot « fétiche » qui est en lien direct avec l’origine géographique des œuvres est ambigu. Car ce n’est pas de fétiches dont il s’agit, ou tout au moins pas de ces objets culturels ! mais en revanche bel et bien d’objets de foi, sacralisés ! Et la forme que prennent ces œuvres est dictée par la nécessité. Qu’il y ait des clous, qu’il y ait des statuettes marouflées, qu’il y ait des griffures et des écritures… tout cela est l’acte de foi de ces artistes hors normes.

J’ai travaillé avec des artistes que l’on ne comprend pas. Mais dont les œuvres nous parlent ou résonnent/raisonnent en nous. Certains sont morts et ressuscités puis re-morts, comme Calico qui pimente nos souvenirs de ses éclats de colères comme de rires. (Cela mériterait une digression… une autre fois, peut-être.)

D’autres racontent l’Histoire avec leur terre avec leurs écritures. Ils se sont engagés sans ménagement pour leur continent, ils ont dénoncé, se sont dressés… et continuent de le faire (Sokey Edorh).

Il y a encore les autodidactes, les illustrateurs urbains, ceux qui manient les couleurs et les compositions sans autres conventions que les leurs (Comar).

Et puis il y a ceux qui poussent au devant d’eux leur destin : ceux qui sont de chaque exposition qui mâtinent l’art sous-réaliste en y incluant nos codes métissés. Papisco Kudzi est de ceux-là. Son Art est unique, reconnaissable entre tous. Il jalonne la création artistique de ses œuvres, de ses avancées…

La peinture n’est pas plane. La peinture est sculpture. Les formes sont volume. Le sens est au-delà du sens. Et qui cherche la création, la trouve là en concentré. Il n’y a qu’à se laisser percuter !

Dernière mise à jour : 8 déc. 2019


Bloc rougeoyant comme découpé de la croûte terrestre, masse compacte à la texture mousseuse tirée du fond des océans, morceau lisse ou coupant, c’est selon, figurant une tête ou un buste, personnage aux allures de Playmobil équipé de ce qui ressemble à un cœur rouge...

Les sculptures en verre de Marc Lepilleur saisissent par leur force organique tout en intriguant par leur douce étrangeté.

Selon lui, le verre est une matière complexe pour la sculpture et, en même temps, unique pour exprimer ce qu’il cherche. Ce qui l’intéresse, plus que la lumière et la transparence, c’est l’opaque et le translucide.

« Le translucide, c’est le règne des apparences, des interrogations, du doute : on croit comprendre ce que l’on voit et en réalité ça nous échappe. Vous restez à l’extérieur de la pièce, même si parfois votre regard plonge réellement à l’intérieur. » Et de citer comme mentor l’artiste-verrier tchèque Stanislav

Libensky :

« Il réalisait des énormes blocs en verre abstraits mais quand on regarde ses dessins, on comprend qu’il y a une base figurative et religieuse, du moins spirituelle. Il a réussi à transposer son intériorité, son mysticisme dans certaines de ces pièces, par la lumière colorée. »

La maîtrise de la matière

Pour Marc Lepilleur, le verre n’est pas une matière d’élection mais d’adoption.

« Issu d’une famille ouvrière liée à la matière – mon grand-père et mon père étaient tourneurs-fraiseurs – ma place naturelle était dans un atelier », raconte-t-il. Il choisit le génie mécanique

avant de changer radicalement de voie suite à un choc esthétique. Une visite au musée du Louvre éveille en lui une soudaine et véritable fascination pour l’art qui le pousse à rejoindre les bancs de la fac pour comprendre « le mystère » de la peinture. Ce qui l’intéresse en particulier, ce sont la Renaissance italienne et le xxe siècle, deux siècles d’expérimentation, avec des maîtres tels que Braque, Ernst, Bacon, Penone, Bourgeois et bien d’autres.

Sa première confrontation avec le verre a eu lieu un peu par hasard durant ses études en arts plastiques.

« J’ai voulu intégrer dans un volume en ardoises monté au plomb, tout noir, un bout de verre plié en deux », se souvient-il. C’est dans ces circonstances qu’il en vient à s’essayer au moulage et à fabriquer lui-même un four. Le verre, « fluide en arrêt » tel qu’il le qualifie, est désormais sa matière première, qu’il défie en moulant des blocs de 40 kg.

« À force de rater, vous finissez par comprendre comment ça marche, assure-t-il. Le verre est une matière limitée qui ne permet pas les grands écarts. Pas de gestuelle, pas de lâcher-prise : on est très loin de la peinture et de son immédiateté. On ne peut le mélanger qu’avec lui-même et beaucoup de formes sont à proscrire »

Inspiré par la mécanique des fluides, Marc Lepilleur « fait sa cuisine » en mélangeant dans sa marmite des palets de verre, du verre à vitre ou du cristal, sans les hiérarchiser mais en fonction des caractéristiques offertes et des pigments, considérés comme des ingrédients. Et comme pour signifier un éternel recommencement, il n’utilise pas de silicone de reproduction de forme, préférant tout refaire à chaque fois. Après le four, la pièce libérée de la matrice est coupée, façonnée et polie.

« Être verrier, ce n’est pas réaliser une coulée mais transformer le verre de l’intérieur pour tenter de produire une œuvre à la fois émotionnelle et intellectuelle. »

L’humain dans le paysage

C’est par le regard de l’autre qu’il a entendu ce qui le tient depuis de nombreuses années avec le verre.

« En écoutant plusieurs personnes me demander où j’avais ramassé ces blocs en parlant de mes sculptures, j’ai réalisé que je produisais un travail qui explore le monde du règne minéral. Ce qui m’intéresse, c’est le processus. Je me glisse dans le même processus que la Nature pour dire quelque chose de la condition humaine. Le moulage permet de créer du faux, de réaliser une prise d’empreinte de quelque chose qui est ailleurs ou qui n’existe pas ». Et Marc Lepilleur expérimente tout en même temps, naviguant du non-figuratif au figuratif. Avec sa sculpture "Glass is not light", composée d’une tête et de deux formes géométriques, Marc Lepilleur confirme que, pour lui, le verre ce n’est pas de la lumière mais de la chair.

Actuellement, il travaille sur ce qu’il appelle des Têtes atomiques. Et cette fois, il a laissé libre cours à la matière. Ces têtes où la prise d’empreinte dans le moule de coulée est incomplète et aléatoire sont le commencement d’une réflexion sur l’autoportrait. Dans sa recherche artistique, Marc Lepilleur a souvent recours à l’assemblage et il regarde du côté des métaux natifs en feuilles et du bois fossilisé. En parallèle, se pose à lui la question du paysage comme espace de projection visuel. Ce thème l’amène à traverser sa fascination pour la peinture. En effet, il se risque à prendre le pinceau pour reproduire sur une toile un grand ciel chargé de nuages et sur un sol nu de petits pentagones de couleur

rouge. Devant ce tableau, représentation d’un étrange ailleurs, il imagine poser un pentagone rouge en verre. Le « regardeur » devra faire preuve d’ingéniosité pour déplier la pensée de l’artiste-verrier, comme cachée dans les méandres d’une feuille froissée.


Marie Lepesant

n° 215 juillet - août 2017

Dernière mise à jour : 18 août 2019



Il n’y a pas d’artiste qui soit une tautologie, hermétique au monde, produisant sans connaissances ni influences… Tout vient de quelque part. La génération spontanée n’existe pas. Pas plus en biologie qu’en art ou pour n’importe quoi d’autre. Rien ne nait par hasard.

Sans essayer de deviner pour quelle raison un artiste nait ou devient artiste, son travail, lui, est toujours le fruit de quelque chose, d’une rencontre, d’une évolution, d’une maturation… de l’Histoire, d’une histoire, de techniques apprises, appliquées, améliorées… mais dans tous les cas : son œuvre nait du travail.

L’image de la forge s’impose à moi. Le désir d’expérimenter, de s’exercer, de travailler laborieusement avant d’acquérir dextérité. De cet apprentissage adjoint de ses propres idées et de sa propre expérience … d’erreurs en découvertes … de découvertes remises en causes, reformulées, déformées, forgées à nouveau… dès lors l’artiste ne travaille plus, il œuvre.

Etre artiste c’est être forgeron. C’est recommencer. Recommencer. Chercher le beau, l’excellence, ou pas forcément : cela peut être de chercher la justesse. Le beau viendra de lui-même. Glaner des idées, formes ou techniques, les adopter, les dépasser. Chercher ! et travailler !

Il n’y a pas d’artiste génial qui n’aie jamais mis de la sueur dans son labeur. Comme pour tout, le travail est à la base. La chance peut intervenir. Mais la chance fait partie du travail.

L’art est un travail de forge. On part d’un matériau dur, un concept compact, une vue mentale qui ne s’effiloche pas, une obsession. On n’attend rien de ce matériau, sauf de l’ouvrager selon un dessein. Alors par la réflexion sans relâche et par l’action, l’artiste l’assouplit.

Travaillé, ployé, amélioré, retravaillé, ployé à nouveau… le matériau reçoit lentement ce supplément d’âme pour devenir autre chose. C’est là, c’est encore un peu diffus, un peu confus… mais du matériau compact et dense nait la matière propre à exprimer une forme et des sentiments.

Combien d’esquisses, combien de coups de ciseaux dans la pierre et de pierres cassées… l’œuvre nait. Non pas l’œuvre au féminin, mais l’œuvre au masculin, car il n’est pas question d’une seule œuvre, mais de l’ensemble de l’oeuvre. De l’ensemble qui grandit, progresse, va vers quelque chose, qui tend à l’absolu de beauté ou de justesse auquel l’artiste est dédié.

Telle une lame damassée qui n’est belle que par la multitude des couches qui la compose, l’œuvre d’un artiste n’est beau et considérable que par la multitude des œuvres qui le compose. Cet oeuvre, il n’est juste que par les innombrables assauts qu’a porté l’artiste pour atteindre cette justesse… Et à la fin, à la toute fin, l’ampleur et la régularité du travail sont un sous-jacent primordial à la qualité d’une œuvre d’art en particulier, comme à la beauté d’une lame damassée…


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